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L'écervelé - Des livres pas comme les autres !
30 mai 2012

>panique au drive-in< #1 // Retour sur Cannes

On vous l'annonçait il y a peu, voici la nouvelle rubrique de L'écervelé, qui ouvre ses portes à un nouveau rédacteur : >panique au drive-in< traitera du septième art, ses sorties récentes et les films à venir. Une fois par mois au moins, Julien, au gré des humeurs, nous fera part de ses coups de coeur / coups de gueule. Démarrage aujourd'hui avec un bilan cannois, avant de revenir sur les Cronenberg père & fils puis sur La Chasse (Thomas Vinterberg). Bientôt sur L'écervelé !

Affiche-Cannes-2012Quelques jours après l’annonce du palmarès de ce 65ème festival, un petit bilan s’impose. Vu de l’intérieur, force est de constater que l’insatisfaction, voire la déception croissante des spectateurs vis-à-vis de la sélection officielle ne fut pas plus une posture de cinéphiles un brin blasés qu’une construction médiatique. Il faut dire qu’entre les films beaux mais chiants, intellectualisant à outrance, qui sont la cible traditionnelle d’adoubement du « festival le plus prestigieux du monde » (Au-delà des collines de Cristian Mungiu, Like Someone in Love d’Abbas Kiarostami ou Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais) et les métrages plus grand public, américains pour la plupart (Des hommes sans loi de John Hillcoat, Cogan - la mort en douce d’Andrew Dominik, Paperboy d’Andrew Daniels), dont la sélection ne semble motivée que par la présence de stars internationales sur les marches, le manque de films alliant efficacité visuelle et profondeur du propos était criant.

Reality_-_film_de_Matteo_GarroneCe manque d’enthousiasme se retrouve d’ailleurs dans la répartition des prix, d’une palme d’or « par défaut » (Amour de Michael Haneke). Restent le Grand Prix attribué au Reality de Matteo Garrone, réalisateur de Gomorra, et un Prix d'interprétation masculine bien mérité pour Mads Mikkelsen, dans La Chasse de Thomas Vinterberg, dont nous reparlerons. Sans oublier un prix spécial du jury d'Un certain regard pour les hilarants punks à chien du Grand soir, mais rien pour le stimulant Holy Motors de Carax.… Un festival en demi-teinte donc, que les sélections parallèles et surtout le Marché du film, véritable caverne d’Ali-Baba pour les cinéphiles de tout poil, peinèrent à compenser. Des films attendus, comme le premier long de Brandon Cronenberg, et celui de son père David (Antiviral et Cosmopolis, sur lesquels nous reviendrons également), ou la dernière folie de Takashi Miike (Ai to makoto – For Love’s Sake) nous ont ainsi laissé un goût d’inachevé, faisant alterner fulgurances et douloureuses longueurs. Par pudeur, nous ne nous attarderons pas sur le Dracula 3D commis par Dario Argento, préférant garder en mémoire l’image de sa bien tardive présence dans la grande salle du palais, en compagnie de sa fille.

le-grand-soir-afficheEn forme de florilège, voici les quelques pépites dénichées, parfois par hasard, par votre humble serviteur. Et comme nous ne boudons en rien le classicisme formel, commençons par deux films ayant en commun une toile de fond, géographique et/ou psychologique, celle de l’ex-Yougoslavie. Nous évoquions récemment, au sujet de A Serbian Film, l’artiste et performeuse Marina Abramovic. Un fascinant documentaire lui est consacré, revenant sur sa carrière à l’occasion d’une exposition qui se tint au Museum of Modern Art (MOMA) de New York. Malgré son académisme, ou plutôt en dépit de son académisme, The Artist is Present constitue une the_artist_is_presentporte d’entrée privilégiée sur l’univers de cette artiste, et sur celui de la performance en général : le corps au centre de l’art ; un art dont on cherche à repousser les limites à travers un dépassement physique. Les expérimentations violentes des années 1970, menées avec son partenaire Ulay, leur relation tumultueuse et fusionnelle jusqu’à leur rupture, en 1988, qui prit la forme d’une longue marche (les amants partirent à la rencontre l’un de l’autre, parcourant la Grande muraille pour se retrouver en son centre… et se dire adieu), la nécessaire réinvention de l’artiste suite à cette rupture, forment autant de jalons dans sa quête d’infini et de paix intérieure. Une recherche qui culmine lors de sa performance au MOMA, consistant à rester assise, silencieuse et immobile durant les trois mois de l’exposition, faisant face aux spectateurs qui, l’un après l’autre, prenaient place face à elle pour plonger dans son regard. Un exercice de zazen extrême, diluant l’individu dans l’universel, que ce documentaire parvient à retransmettre brillamment. L’occasion aussi de redécouvrir une œuvre qui dut attendre quarante ans pour accéder à la reconnaissance, même hypocrite, du milieu et du public, dont la plupart se demandent toujours si « c’est vraiment de l’art ».

De la Serbie à la Bosnie, le spectre du récent conflit continue à hanter les esprits. Dans Djeca, d’Aida Begic, l’on suit ainsi le quotidien d’une enfant de la guerre, une immersion réussie grâce au talent de l’actrice principale et aux longs plans séquences (plus invisibles que virtuoses) qui s’enchaînent, décrivant une Bosnie aux prises avec la crise économique et la corruption mafieuse.

touristes-sightseers-afficheParmi les autres bonnes surprises, le Sightseers de Ben Wheatley, produit par Edgar « Shaun of the Dead » Wright, comédie noire et grinçante sur un couple de touristes moyens qui, ne supportant plus leurs congénères, décident de les éliminer, ou encore l’improbable Les Mouvements du bassin, de l’ancien hardeur HPG. Un titre trompeur au regard du passé du réalisateur, que l’on retrouve face caméra aux côtés d’Éric Cantona, Rachida Brakni et de les-mouvements-du-bassin-d-hpg-eric-cantona-rachida-brakni-10326739wzvdnJérôme Le Banner, dans une exploration surréaliste des marges de notre modernité que n’aurait peut-être pas reniée Bertrand Blier.

Enfin, dans la série « ne boudons pas notre plaisir », il convient d’attribuer une mention honorable au Dictator de Sasha Baron Cohen, ne serait-ce que pour sa mémorable scène d’accouchement, ainsi qu’au Flying Swords of Dragon Gate de Tsui Hark, avec Jet Li, suite de L'auberge du dragon (1992) traitée à la sauce Detective Dee.

Un bilan qui n’engage que son auteur, par ailleurs bien occupé par les concerts de la villa Inrocks et la chasse aux invitations pour des fêtes avec open-bar, auteur qui comme tous les festivaliers n’a eu, en dix jours et au rythme de trois ou quatre projections quotidiennes, accès qu’à une partie des centaines de films proposés. Ce qui a changé finalement, c’est certainement le rapport aux films : ceux de la sélection sont sortis en salles pendant ou juste après le festival, les autres sont déjà, ou seront très bientôt disponibles sur l’Internet, en VPC, VOD ou plus prosaïquement mais toujours sous forme d’acronyme, en P2P. Dans ce domaine comme dans tant d’autres, il semble que l’enthousiasme soit proportionnel à la frustration. En l’absence de l’une, l’autre s’étiole.

 

Julien BETAN

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