PLANETARY // Warren Ellis & John Cassaday
La série Planetary, écrite par Warren Ellis et dessinée par John Cassaday, n'est pas ce qu'elle semble être. Planetary, c'est une organisation secrète qui sauve le monde régulièrement mais dans le plus grand secret. Planetary, c'est trois personnes : Jakita Wagner, dure à cuire surpuissante qui s'emmerde dès qu'elle n'a personne à qui donner des gnons, le Batteur, ado attardé qui dialogue avec les machines et capte tous les flux d'information, et Elijah Snow, enfant du vingtième siècle capable de geler n'importe quel fluide, tous trois dirigés par le mystérieux quatrième homme. Ils interviennent dans l'espace, dans des réalités alternatives, ou en pleine ville, mais les problèmes qu'ils règlent restent toujours cachés, pour ne pas bouleverser la face du monde. Leur ennemi ? Les Quatre, ces scientifiques partis dans l'espace avant l'heure, transformés pas leur voyage.
La série n'est pas ce qu'elle semble être, donc. Dans les deux premiers volumes, se succèdent les chapitres comme autant d'histoires courtes a priori sans lien. Ce qui permet au scénariste de rendre hommage à toute la culture populaire du vingtième siècle, des polars hong-kongais aux films d'arts martiaux, en passant par les romans feuilletons, les séries B de science-fiction ou les films d'actions américains. Warren Ellis rend même hommage au comic-books, à ses propres comic-books, à travers une excellente histoire mettant en scène un pseudo Constantine, sorte d'esprit londonien des années 90, qui se transformera en Spider Jerusalem pour le changement de millénaire. La mise en abîme va plus loin lorsque apparaît la Planète Fiction, une histoire aux rouages tellement complexes qu'elle en devient autonome, créée par les Quatre, leur servant de réservoir à horreurs. Les univers parallèles, véritable obsession de l'auteur, sont régulièrement évoqués, parfois dans un jargon scientifique obscure qui confère un aspect geek à la série mais ne nuit jamais à la lecture. Dans sa réflexion sur les réalités et la fiction, le scénariste considère cette dernière comme un autre possible, une véritable réalité alternative, amenant le lecteur à réfléchir sur ce qui différencie la vraie vie de la fiction, si tant est qu'il y ait une différence...
Puis arrive la fin du second tome, où l'identité du quatrième homme est dévoilée. Une intrigue de fond d'envergure se met alors en place. Chaque aventure précédemment relatée avait en fait son importance pour la suite, et le lecteur va progressivement découvrir l'histoire de l'organisation et de ses membres, même si l'hommage perdure en filigrane.
Le dessin de John Cassaday, d'un réalisme photographique, s'affine rapidement et devient un véritable atout pour cette série. Tantôt épuré, tantôt ultra-détaillé, le trait s'adapte pour mieux servir le propos, à l'image du découpage qui varie selon le genre auxquels les auteurs souhaitent rendre hommage. Même la coloriste varie ses techniques selon les ambiances.
Un comic-book marquant, même pour les non-amateurs de SF, un divertissement qui amène à réfléchir sur ce qu'est la réalité et sur l'importance et le pouvoir du conte.
Landry NOBLET
Planetary (5 volumes), Warren Ellis (scénario), John Cassaday (dessin), Laura Depuy & Laura Martin (couleurs), traduit de l'anglais par Alex Nikolavitch (t. 1 & 2) & Jérémy Manesse (t. 3 à 5), 102 à 186 p., Semic (t. 1 & 2) & Panini Comics (t. 3 à 5), 2004 à 2011.