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L'écervelé - Des livres pas comme les autres !
21 février 2012

ALLER SIMPLE // Carlos Salem

IMG_0773Octavio se réveille dans sa chambre d'hôtel à Marrakech. Sa femme tyrannique est morte. Dans un mélange de panique et de soulagement, il part prendre un verre au bar et fait la connaissance de Soldati. L'Argentin, à la fois homme d'affaires et révolutionnaire, va entraîner Octavio dans une folle course sans but, Octavio qui se découvre progressivement comme un nouvel homme, à commencer par la métamorphose éléphantesque de son pénis...

Ainsi commence le premier roman de Carlos Salem, qui entraînera le lecteur de situations cocasses en rebondissements improbables, dans ce road-movie perdu quelque part dans les montagnes de l'Atlas. Les deux acolytes, dans leur quête sans but, croiseront Carlos Gardel réincarné, un Nobel de littérature qui n'a jamais écrit, des hippies qui ont perdu la route de Katmandou, un cinéaste qui filme sans pellicule ou encore un nuage à forte poitrine... Dans un mélange de polar, de farce et de voyage initiatique, Carlos Salem laisse libre court à son imagination débridée pour cette folle aventure dans laquelle on se laisse embarquer avec le sourire aux lèvres, suivant attentivement les digressions de l'auteur, tout en attendant impatiemment d'être surpris par la prochaine. Car si vous aimez les histoires à intrigues linéaires, Aller Simple risque de vous décevoir. Tout l'intérêt de la chose étant dans ce qui l'enrobe, les personnages, les situations, les dialogues et les détours sinueux qui relient début et fin de ce conte philosophique déjanté. Dans cette fable haute en couleurs, Soldati se pose certainement comme le gourou de l'histoire, avec ses phrases préfabriquées qui reviennent comme des leitmotiv. "Un soldat qui fuit peut servir dans une autre guerre","la vie est un aller simple", "on ne prête pas ce qu'on monte" sont autant de sentences chères au bonhomme, à mi-chemin entre la dérision et la vérité la plus absolue. Plus qu'un gourou, Octavio va découvrir en ce gentil dingue un ami, une relation saine et franche, comme il n'en a peut-être jamais connu. Il apprendra aussi l'amour dans les bras d'Ingrid, mais c'est une autre histoire. Oui, la vie n'est qu'un aller sans retour, mais tracer tout droit n'est pas toujours la voie la plus évidente. Ni la plus courte... Car, quelque part au milieu de ce fourre-tout hétéroclite de personnages et de situations, Carlos Salem distille des réflexions métaphysiques et philosophiques, en témoigne ce dialogue entre Octavio et ce petit garçon venu de nulle part :

 

«-Tu es triste, lui dis-je bêtement.

-Oui.

-Moi aussi, j'ai longtemps été triste. Ca ne m'a servi à rien. Longtemps après, j'ai découvert que tous les chemins qu'on prend sont sans retour...

-Jusqu'où ? demanda-t-il en caressant Jorge Luis qui ronronnait.

-C'est ce qui compte le moins, répondis-je. L'important, c'est d'aller, de faire, de rire, de pleurer, de vivre. Ce sont des verbes, de l'action. Si tu te trompes, tant pis. Mais si tu ne décides pas par toi-même, la chance, bonne ou mauvaise, te sera toujours étrangère. Tu comprends ? On ne peut pas vivre en accusant toujours les autres de son malheur, parce qu'être malheureux, c'est aussi un choix, mais un choix de merde.

-Et qu'est-ce que je fais de mes peurs ? demanda-t-il.

-Tu les avales, tu les digères, et un beau jour tu apprendras à chier dessus.

-Et quand est-ce que vous avez appris tout ça ?

-Il y a quelques jours. Mais je pense qu'au fond, je m'en suis toujours douté. »

 

Dans un style riche et descriptif, avec des dialogues cocasses et vitaminés, Carlos Salem réussit une folle course-poursuite avec soi-même, qui brinquebale le lecteur entre comédie noire et récit initiatique.

 

Landry NOBLET

IMG_0774IMG_0775

 

Aller Simple, Carlos Salem, traduit de l'espagnol par Danielle Schramm, 304 p., Babel Noir, 2009.

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